<<< / < Recherche doctorale

Ma quête de compréhension des approches matérielles interroge les répercussions du « tournant matériel » de la fin du XXème, sur les enseignements du design. Celui-ci opère un relativisme de la vision anthropocentrée, qui s'est enfermée dans le dualisme cartésien sujet/objet. L'objectivation de la matière confère alors une valeur instrumentale au service des fins humaines.

Dès l’Antiquité, la matière doit « recevoir docilement toute espèce de forme » (Plotin) que l’idée lui donne pour la rendre intelligible. Cette définition hylémorphique (Ingold, 2017) recouvre les étapes structurantes et anticipées qui marquent la réalisation de l’artifice. L’idée qui forme et qualifie la matière, initie alors la figure du concepteur.

L’avènement de l’Anthropocène met en exergue l’hybridation continue de la nature et de la culture (Latour, 1991). En tant que chose, l’artifice ne peut se réduire à sa finalité pensée et réalisée. Il constitue un moment de l’état matériel et s’inscrit dans un cycle de transformation perpétuel, qui agit et réagit envers les êtres et le monde.

Pour Latour (2015), tous sont des actants, capables d’action réciproque. Ils conjuguent des flux d’énergies variables, réagissent les uns aux autres. Ils engendrent un processus de transformations, de désordres, d’auto-organisations continues, complexes et ouvertes (Ingold, 2012, 2017 ; Morin, 2005).

Prendre en considération la complexité du phénomène matériel met en lumière les difficultés du design à jauger les répercussions de son action sur l’environnement.

Photo © C. Monvoisin

Ingold, T. (2012). Toward an Ecology of Materials. Annual Review of Anthropology. 41, p. 427-442,

Ingold T. (2017). Faire anthropologie archéologie art et architecture. Bellevaux : Dehors.

Latour, B. (1991). Nous n'avons jamais été modernes. Essai d'anthropologie symétrique. Paris : La Découverte,

Latour, B. (2015). Face à Gaïa: Huit conférences sur le nouveau régime climatique. Paris: La Découverte,

Morin, E. (2005). Introduction à la pensée complexe. Paris : Seuil,

Plotin, (1857). Les ennéades, tome 2, Livre IV. (M. N. Bouillet, trad. Et notes). Paris : Hachette.

Céline Monvoisin
Linkedin / Courriel / Crédits